dimanche 14 octobre 2007

Sésame sauvage

Soirée imprévue. Retrouver celle croisée sur les bords du canal Saint Martin. Elle avait alors sa caméra et un charriot à roulette pour transporter ses affaires. Elle était emmitouflée dans son gros manteau. Elle parlait un français étrange, avec un accent, les mots bousculés dans un ordre incertain. Dans ses yeux se lisait la peur de ces émotions rudes, rêches qui entraient en collusion. Dans sa posture, son corps tendu vers l'avant, se lisait la nécessité d'être là, de se coltiner à cette réalité triste et porteuse d'espoir. Elle portait avec elle le deuil de son mari et l'énergie qui l'a poussée à quitter la Corée, il y a des années.

Et puis ce soir être là, au milieu des cartons de son déménagement proche, dans cet appartement caché du centre de Paris, qu'elle doit laisser parce que l'Autre est mort et que ses enfants ne l'ont jamais aimée. Assise à sa table l'écouter égrener les histoires étranges de ces derniers mois. La regarder se mouvoir dans sa cuisine entre le frigo et la planche à découper et narrer au fil de sa préparation du repas ces instants fragiles qui depuis un an là hantent. Ces moments de doutes et de remises en question sur la nécessité de son travail, la manière dont son quotidien a été marqué, comme une dérivation de ses habitudes, par ses heures au bord du canal.

Ce soir c'est tempura. Les légumes colorés, saveurs complémentaires, champignons, oignons, patates douces, cèleri, crevette, carottes, courgettes jaunes, disposés dans le plat. L'huile d'arachide qui frémit dans le wok noir. La dorade au four. Les kakis murs et juteux offerts au bouddha, partagés à la fin du repas. Et le gout délicat des feuilles de sésame sauvage.

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